Introduction : Qui est Fariba Adelkhah ?
Le nom de Fariba Adelkhah résonne bien au-delà des cercles académiques. Cette anthropologue franco-iranienne est devenue un symbole international de la lutte pour la liberté de la recherche et un cas épineux dans les relations diplomatiques. Son histoire est celle d’une intellectuelle passionnée, dont la vie a basculé en raison de son travail et de sa double nationalité. Cet article se propose de retracer le parcours de Fariba Adelkhah, de ses recherches pionnières à son incarcération controversée, en explorant les rouages d’une affaire qui a ému le monde entier.
Les Jeunes Années et la Formation de Fariba Adelkhah
Fariba Adelkhah est née en 1959 en Iran. Elle grandit dans un pays en pleine mutation, marqué par une modernisation rapide sous le régime du Shah, suivie par la Révolution islamique de 1979. Ces bouleversements sociaux et politiques profonds vont naturellement influencer son parcours intellectuel. Assoiffée de comprendre les mécanismes qui régissent sa société, elle se tourne vers les sciences sociales.
Dans les années 1980, Fariba Adelkhah quitte l’Iran pour la France, où elle entreprend des études supérieures. Elle intègre de prestigieuses institutions, notamment l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po). C’est là qu’elle affine sa pensée et se spécialise en anthropologie. Sous la direction de chercheurs renommés, elle développe une méthodologie rigoureuse basée sur l’observation participante et l’enquête de terrain. Sa thèse de doctorat, qu’elle soutient avec succès, pose déjà les jalons de ce qui deviendra le cœur de ses travaux : décrypter les dynamiques sociales, politiques et religieuses de l’Iran post-révolutionnaire.
La Carrière Académique et les Recherches de Fariba Adelkhah
Devenue chercheuse au Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po, Fariba Adelkhah se forge une réputation d’experte incontournable sur l’Iran. Son approche est novatrice : elle ne se contente pas d’analyser la politique au sommet de l’État ; elle s’intéresse à la vie quotidienne des Iraniens, à la manière dont la religion et la révolution imprègnent les pratiques sociales, économiques et même corporelles.
Ses premiers ouvrages majeurs, comme Être moderne en Iran (1998), ont marqué un tournant dans les études iraniennes. Dans ce livre, Fariba Adelkhah démontre avec finesse comment les Iraniens négocient constamment leur rapport à la modernité et à l’islam. Elle y explore des sujets variés : les pratiques de consommation, la place des femmes, les loisirs, et montre comment la société iranienne invente ses propres formes de modernité, en dépit – ou à cause – du cadre politique et religieux imposé.
Un autre axe fondamental des recherches de Fariba Adelkhah concerne la question du genre et de la construction de la masculinité et de la féminité. Elle s’est notamment penchée sur la figure du “homme pieux” et les paradoxes qui l’entourent. Son travail est donc essentiel pour comprendre les transformations intimes d’une société souvent perçue de l’extérieur de manière monolithique.
Ses recherches sur les dynamiques religieuses, notamment le pèlerinage et les fondations pieuses, ont également été saluées pour leur profondeur. Fariba Adelkhah a toujours insisté sur la nécessité de mener des enquêtes de terrain longues et approfondies, ce qui l’a amenée à retourner régulièrement en Iran pour son travail, jusqu’aux événements tragiques qui ont conduit à son arrestation.

L’Arrestation de Fariba Adelkhah : un Tournant Tragique
Le 5 juin 2019, alors qu’elle se trouvait en Iran pour des recherches, Fariba Adelkhah est arrêtée par les Gardiens de la Rvolution, les puissants pasdarans. Les circonstances de son arrestation restent floues, mais elle est immédiatement incarcérée à la tristement célèbre prison d’Evin, à Téhéran, connue pour détenir les prisonniers politiques et les intellectuels.
Les charges retenues contre elle sont graves et vagues : “propagande contre le système” et “collusion en vue d’attaquer la sécurité nationale”. Ces accusations, fréquemment utilisées par le pouvoir iranien pour réprimer la dissidence, ont provoqué une onde de choc dans les milieux universitaires internationaux. Pour ses collègues et proches, il était évident que le travail scientifique de Fariba Adelkhah, par sa nature même, était perçu comme une menace par les factions les plus dures du régime.
Le fait qu’elle soit détentrice de la nationalité française, en plus de sa nationalité iranienne, a immédiatement complexifié l’affaire. Les autorités iraniennes ne reconnaissent pas la double nationalité, considérant Fariba Adelkhah comme exclusivement iranienne, ce qui limitait initialement les moyens d’action diplomatique de la France.
Les Conditions de Détention et les Procès de Fariba Adelkhah
La détention de Fariba Adelkhah a été marquée par des conditions très difficiles. Comme de nombreux détenus à Evin, elle a été soumise à un isolement prolongé, sans accès véritable à un avocat pendant les premiers mois. Son procès, qui s’est ouvert en 2020, a été décrit par les organisations de défense des droits de l’homme comme inéquitable, se déroulant à huis clos sans les garanties d’une procédure légale juste.
En mai 2020, Fariba Adelkhah est condamnée à cinq ans de prison pour “atteinte à la sécurité nationale”. Cette sentence a été perçue comme un verdict politique, sans fondement factuel. Malgré sa détention, Fariba Adelkhah a fait preuve d’une force de caractère remarquable. Elle a entamé plusieurs grèves de la faim pour protester contre ses conditions de détention et réclamer sa libération, mettant sa santé en danger de manière répétée.
Dans un développement surprenant, en octobre 2020, elle est placée en liberté surveillée avec un bracelet électronique. Cependant, cette semi-liberté est de courte durée. En janvier 2022, elle est brutalement renvoyée en prison, un acte interprété comme une mesure de rétorsion de Téhéran dans le contexte des négociations internationales sur le nucléaire iranien.
La Mobilisation Internationale pour Fariba Adelkhah
L’arrestation et l’emprisonnement de Fariba Adelkhah n’ont pas laissé la communauté internationale indifférente. Un vaste mouvement de soutien s’est organisé, aussi bien dans le monde académique que politique.
- La Mobilisation Académique : Son institution, Sciences Po, ainsi que des centaines d’universités, de centres de recherche et d’intellectuels du monde entier ont lancé des pétitions, organisé des colloques et des veilles pour réclamer sa libération. Le hashtag #FreeFariba est devenu un symbole sur les réseaux sociaux, utilisé pour maintenir l’attention sur son cas.
- L’Implication des Autorités Françaises : Le gouvernement français a, à plusieurs reprises, élevé la voix pour demander la libération de Fariba Adelkhah. Le Président de la République, le Ministre des Affaires étrangères et les ambassadeurs ont régulièrement soulevé l’affaire lors de rencontres avec leurs homologues iraniens. La France a insisté sur le fait que Fariba Adelkhah était une universitaire, et non une espionne, et que sa détention était arbitraire.
- Les Organisations de Défense des Droits de l’Homme : Amnesty International, Reporters sans Frontières et d’autres ONG ont dénoncé sans relâche le traitement réservé à Fariba Adelkhah, la qualifiant de “prisonnière d’opinion” et exigeant sa libération immédiate et inconditionnelle.
Cette pression internationale constante a sans doute contribué à empêcher que son cas ne tombe dans l’oubli, mais elle n’a pas suffi, pendant longtemps, à obtenir sa libération.
L’Impact des Grèves de la Faim de Fariba Adelkhah
L’une des armes les plus puissantes dont disposait Fariba Adelkhah dans sa lutte pour sa liberté et sa dignité a été la grève de la faim. Elle en a entamé plusieurs, parfois pendant des semaines, poussant son corps à ses limites. Ces actes de résistance extrême avaient un double objectif.
D’une part, ils servaient à protester contre les conditions inhumaines de sa détention et l’injustice de son emprisonnement. En mettant sa vie en danger, Fariba Adelkhah attirait l’attention sur la situation des nombreux autres prisonniers politiques et intellectuels détenus en Iran, dont les noms ne font jamais la une des journaux.
D’autre part, ses grèves de la faim ont agi comme un puissant levier pour forcer les autorités à réagir. Chaque fois que son état de santé devenait critique, la pression médiatique et diplomatique redoublait, contraignant le régime iranien à au moins communiquer sur son cas. Ces actes de courage ont montré la détermination inébranlable de Fariba Adelkhah et ont renforcé l’image d’une femme qui préfère risquer la mort que de renoncer à ses principes.
La Libération et la Situation Actuelle de Fariba Adelkhah
Après près de cinq années de captivité sous différentes formes, un espoir est enfin apparu. En février 2024, Fariba Adelkhah a été libérée de la prison d’Evin, mais sa liberté reste toute relative. Les autorités iraniennes ont assorti sa libération de conditions strictes, et elle n’est pas autorisée à quitter le territoire iranien.
Bien que n’étant plus derrière les barreaux, Fariba Adelkhah reste techniquement prisonnière en Iran. Elle ne peut pas retourner en France, reprendre son travail au CERI ou voir librement sa famille et ses collègues en Europe. Sa situation reste donc précaire et dépendante des caprices du pouvoir iranien et de l’état des relations internationales.
Sa libération partielle est le résultat d’années de combat acharné, mené par elle-même, ses proches, ses collègues et les diplomates. Cependant, le combat pour la liberté totale de Fariba Adelkhah n’est pas encore terminé.
Conclusion : L’Héritage de Fariba Adelkhah
L’histoire de Fariba Adelkhah est bien plus que le récit d’une incarcération. C’est d’abord l’histoire d’une chercheuse de talent dont les travaux ont fondamentalement enrichi notre compréhension de l’Iran contemporain. Son œuvre scientifique reste une référence majeure.
Ensuite, son calvaire a mis en lumière les risques concrets que courent les chercheurs qui travaillent sur des terrains sensibles. Le cas de Fariba Adelkhah est un rappel brutal que la liberté académique est un combat permanent et qu’elle peut être remise en cause où que l’on soit dans le monde.
Enfin, Fariba Adelkhah est devenue un symbole de résistance et de dignité. Son refus de plier, même face à l’immense pression d’un système répressif, inspire le respect et l’admiration. Son nom restera gravé dans l’histoire comme celui d’une intellectuelle qui a payé le prix fort pour son droit à la connaissance, et dont le combat pour une liberté pleine et entière se poursuit.
Sylvie Bermann malade : Rumeurs sur sa santé et vérité sur son état

